Quatre tests positifs en quatre jours, ça devrait me convaincre que c'est bien vrai, non? Au fond, dans mon coeur, je le sais que c'est vrai, qu'il y a bien un petit pépin niché dans mon ventre. Je le sens et je le vis. Mais j'ai besoin que quelqu'un d'autre me le confirme, que ce soit une infirmière avec une donnée claire comme un chiffre de b-hCG ou un médecin avec une écho. J'en demande peut-être beaucoup, je ne sais pas, mais j'ai tellement peur de rêver tout ça ou d'être la pauvre victime d'une grosse batch de mauvais tests. Ma logique et ma raison ont foutu le camp. Mon coeur pense avant tout le reste de mon corps et il a besoin d'une preuve concrète autre qu'une petite ligne rose sur un test.
Je suis immensément heureuse, il n'y a pas de doute. Je suis consciente de ma chance et de ma bonne fortune. Je ne suis pas loin de ce que j'étais encore il y a quelques jours, c'est à dire une fille qui essayait d'avoir un premier bébé depuis des années. Je le suis encore, en fait, car je ne tiens toujours pas mon bébé dans mes bras. C'est ce qui fait que je suis ambivalente et hésitante à parler de ma grossesse... Je sais, en tant qu'infertile, comment on se sent par rapport aux grossesses des autres. Même si ces personnes se sont battues pendant des années et qu'on est sincèrement contents pour eux, ça nous rapporte toujours à notre propre malheur, à l'injustice que nous vivons et au sentiment d'envie si difficile à contrôler. Je veux être délicate et sensible à mes consoeurs, je ne veux pas "achaler" personne avec mon bonheur. Je n'ai pas envie de leur donner l'impression de leur remettre leur malchance en plein visage. Ce n'est pas du tout mon intention. Alors je vous demande, en toute honnêteté, de me le dire si jamais je vous blesse. Je ferai tout en mon possible pour éviter cette situation.
Écrire ce blog m'a permis de me sentir moins seule dans notre bataille et de parler d'une chose encore peu connue à des gens qui n'ont ou n'avaient aucune idée de ce qu'est l'infertilité. Mais le but de toutes nos démarches était d'abord et avant tout de tomber enceinte. La grossesse fait encore partie de notre bataille. Rien n'est gagné, rien n'est garanti. Je veux pouvoir continuer de partager mes craintes et mes frustrations en toute liberté, mais je veux aussi pouvoir parler de ma joie et de cet immense chance que nous vivons. Je sais que certaines femmes infertiles arrêtent de lire les blogs d'infertiles devenues mamans. Je ne leur en voudrai pas, car je le faisais moi aussi. Je veux par contre qu'elles sachent que jamais je n'oublierai ce que nous avons vécu. Jamais je ne me considèrerai comme normale, comme fertile. Ça fait partie de moi pour toujours. La conclusion n'efface pas le parcours. Mes pensées sont à jamais vers les femmes comme moi qui se battent pour réaliser leur rêve. Je continuerai de penser à ces couples qui vivent une injustice et une frustration mois après mois et je continuerai de croire qu'eux aussi, un jour, vivrons ce que nous vivons.
Et je peux vous promettre une chose: jamais je ne dirai que c'est quand on y pense pas et qu'on relaxe que ça arrive. Je suis la preuve vivante du contraire, car nous y avons pensé à tous les jours. J'ai fait des tests d'ovulation, pris ma température tous les matins, vérifié ma glaire et analysé mes symptômes. Nous avons fait des calins quand il le fallait, pas seulement quand on en avait envie. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour que ça fonctionne. Alors je dis HA! à tous ceux qui m'ont dit de relaxer.
Au fil des mois d'échecs, de traitements, de déceptions et de frustration, je me suis construit une carapace pour me protéger. Je me suis habituée à m'attendre au pire en pensant amoindrir les chocs. J'ai de la difficulté à laisser tomber cette carapace et à me laisser profiter pleinement de notre bonheur. Je ne veux pas penser au pire, je ne veux surtout pas l'anticiper, mais c'est maintenant un réflexe de survie. Il faut me laisser le temps de bien digérer et de bien tâter le terrain avant que je baisse un peu les armes et me laisse attendrir par l'existence de ce petit pépin de kiwi dans mon ventre. Je suis heureuse, je suis chanceuse, je sais. Je ne suis pas ingrate ni gâtée, je suis seulement comme un petit animal qui a eu peur et mal souvent. Il faut laisser le temps à mon coeur de rebâtir sa confiance en la vie. C'est si fragile.
23 mai 2005
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