15 février 2008

La vérité

J'ai souvent entendu que c'était donc beau une femme enceinte. Ça resplendit, ça a l'air épanoui, ça respire le bonheur. C'est le miracle de la vie!

À 8 mois et demi de grossesse, je me trouve bien des choses, sauf belle. Miracle, je veux bien, mais il y a des jours où le miracle pour moi, c'est de réussir à me lever du lit sans m'étirer un muscle ou provoquer une contraction. Soyons francs. On dit à une femme enceinte de 8 mois et demi qu'elle est belle pas parce qu'on le pense vraiment, mais parce qu'on a peur de sa réaction hyper-hormonale si on lui dit la vérité, c'est à dire qu'elle a l'air d'un béluga échoué.

Quand on se retrouve dans les souliers de la femme enceinte de 8 mois et demi (s'il y a encore une paire de souliers qui lui fait), on se rend compte que bien des choses nous ont été cachées ou ont été embellies. Oh, je sais, il y en a toujours des fatigantes pour nous rappeler qu'elles, elles se sentaient belles et en pleine forme jusqu'à l'accouchement. Je reste persuadée que ce n'est pas la majorité des bélugas qui pense comme elles. Ou bien elles oublient vite une fois le placenta évacué. Je vais vous la dire, la vérité, moi. Bon, je parle de moi ici, mais je sais que plein d'autres femmes sont passées par cet auto-dégoût de fin de grossesse. Faisons tomber les tabous, amies baleines! Parlons du véritable visage de la fin de grossesse.

Mon ventre, il n'est plus beau. Il l'a peut-être déjà été dans une autre vie, mais aujourd'hui, il ne l'est plus. Il est tellement immense qu'il n'entre plus même dans les vieux t-shirts de mon chum (qui soit dit en passant, fait 6 pieds 200 livres alors que je mesure 5 pieds et n'ai habituellement pas de surplus de poids). En plus, la dite bédaine est truffée de vergetures, malgré les barils de crème et le frottage intensif. À Tithom, j'en ai eu seulement à 38 semaines, mais on s'entend qu'elle ne sont pas disparues entre temps, donc cette fois-ci, elles y étaient dès le départ. Et se sont faites de nouvelles amies. En plus, mon nombril, qui n'avait jamais repris sa forme d'antan, n'existe carrément plus. La ligne brune, les veines qu'on voit à travers la peau amincie, les lignes rouges à force de me gratter... bref, mon ventre, il est tout, sauf beau.

Comme je disais, sortir du lit réside maintenant du miracle. Dormir aussi, à bien y penser. Drôle de façon qu'a la nature de nous préparer aux premiers mois de vie de notre poupon en nous empêchant de dormir plus de deux heures d'afilée sans avoir un bras qui engourdit, une crampe dans un molet ou une envie d'uriner hyper pressante. Ça, c'est sans parler du fait qu'il ne nous reste qu'une ou deux positions possibles avec des tonnes d'oreillers et coussins pour un semblant de confort. L'effet sur les cernes, j'vous dis pas.

Le mal de dos et le bassin qui semble s'étirer au moindre mouvement ajoutent à notre grâce et notre souplesse de bulldozer. Ramasser un jouet par terre demande diverses contorsions très peu élégantes. Laver la baignoire ressemble à un numéro du Cirque du Soleil. Prendre une marche nous rapproche plus du canard que du singe. Mettre des bas, des souliers, des bottes d'hiver demande un temps fou, trois personnes et un système complexe de poulies. Notre seule paire de jeans de maternité qui fait encore est toute déformée et on passe notre temps à la remonter parce que ça ne tient plus sur le ventre. Et je ne parle même pas de la transpiration excessive, de la peau moche et des chevilles enflées, ni des nombreux chandails tachés au niveau de la bédaine parce qu'une fois le ventre trop gros pour entrer sous la table de cuisine, on perd toute habileté à manger seule. C'est bien trop difficile d'aligner la fourchette à deux pieds de sa bouche sans en renverser le contenu sur notre ventre tout rond. À quand les bavettes de maternité?

Je n'embarquerai même pas dans la discussion sur la vie sexuelle. Si toutes les tâches normales d'une journée sont rendues semblables à des numéros de cirque, imaginez ce que ça a l'air au lit. En fait non, oubliez ça. N'imaginez rien s'il-vous-plaît.

Et vous savez quoi? Malgré tout ça, malgré la fin difficile et dénudée de grâce, malgré les bobos et leurs conséquences, j'aime être enceinte. J'aime sentir mon bébé bouger en moi, juste pour moi. Et je sais qu'une fois le bébé né, une petite partie de moi s'ennuiera de la bédaine.

Je n'aurai qu'à relire ce billet pour m'enlever l'envie de recommencer trop tôt.


n.b. Je tiens à spécifier que je suis consciente de la chance que j'ai de vivre une grossesse, peu importe les mauvais côtés et que bien des femmes donneraient cher pour pouvoir, elles aussi, avoir le privilège de se plaindre rendues à 8 mois et demi. C'est d'ailleurs l'habitude des infertiles de ne pas oser se plaindre à propos de quelque chose qu'elles savent difficiles à obtenir pour plusieurs, pour ne pas avoir l'air ingrates, qui m'a poussée à écrire ce billet. On a le même droit que les fertiles de chialer et ça ne nous enlève pas notre sensibilité aux problèmes des autres pour autant.

7 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec toi!
    En tout cas, ça me fait du bien de te lire.
    Parfois, à voir les pitounes même pas enceinte pour de vrai dans les films et à entendre les commentaires des autres, on en vient presque à croire qu'on est la seule béluga disgracieuse au monde.
    Et pour les plaintes, même si je suis fertile, après deux fausses couches, parfois je me sens un peu mal de me plaindre. Mais fertile ou pas, c'est dur parfois de ne plus avoir le même 100% qu'avant...
    Sauf qu'effectivement, on ne changerait pas de place ;)
    Et vives les canards, les vergetures et la multitude d'oreilles dans le lit!

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  2. J'allais dire "amen!", mais je me sentirais copieuse... ;)

    Amen pareil!

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  3. Hahaha bien sûr que t'as le droit et je peux te dire qu'il y a au moins une infertile que ça a fait bien rigoler
    :-)

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  4. C'est fou de se sentir mal de se plaindre enceinte...On est atteind d'un petit miracle et faudrait être heureuse. J'adore être enceinte, j'adore sentir mon bébé bouger, mais maudine que j'en peux plus de toujours être malade ! Et je m'excuse toujours avant d'en chialer, j'y repense et je me trouve pathétique...Ah la la, maternité, quand tu nous tiens...

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  5. Et ben... j'ai hâte c't'écoeurant là :)
    Jte taquine

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  6. Malgrè que j'aimerai plus que tout être dans le même état que toi, je pense que tu as raison de te plaindre. ça montre ton état de femme enceinte. Une femme qui ne se plaint pas ne peut pas être une femme enceinte...
    J'en ferai autant je pense quand ça sera mon tour...
    Sinon, je viens de découvrir ton blog et il est super.
    Bon courage pour les "quelques jours" qui te restent.

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