19 janvier 2007

Déchirée

On a beau le lire et l'entendre souvent, c'est quand on le vit qu'on le réalise vraiment: être maman au foyer, c'est loin d'être rose à tous les jours. Et je ne parle pas seulement de la quantité de travail que ça comporte, mais du côté émotionnel de la situation surtout. Je ne sais pas si toutes les mamans au foyer passent par là, mais ces temps-ci, je me sens rongée par un mélange de culpabilité et de frustration. C'est peut-être parce que je suis aussi trvailleur au foyer, je ne sais pas...

Tithom ne dort plus beaucoup le jour, ce qui ne me laisse pas beaucoup de temps pour travailler et/ou m'avancer dans plusieurs projets que j'ai listés depuis longtemps sur un petit bout de papier sur le coin de mon bureau. Je m'étais toujours dit que ma priorité était mon fils et j'ai toujours choisi mon fils avant le travail. Quand le travail ne pouvait pas attendre, ma mère est venue ici s'occuper de Tithom pendant que maman gagnait son pain. Il N'a jamais été question de l'envoyer en garderie et j'y tens.

J'aime beaucoup passer du temps avec mon fils, là n'est pas la question. Il veut que je sois près de lui, sans pour autant que je joue avec lui. Je peux donc tout faire (lavage, ménage, cuisine) pendant ce temps. Tout, sauf travailler. Dès que j'entre dans mon bureau, le radar de Tithom sonne et son alarme part. J'ai mis une barrière à ma porte car il m'est impossible de laisser entrer Tithom. À moins de tout surélever de 3 pieds, je ne peux pas le laisser jouer dans mon bureau. Il pitonne sur le télécopieur, jette tous mes papiers par terre, vide et re-vide mon bac à recyclage, éteint mon ordinateur, tire sur les 237 fils divers qui se trouvent derrière mon bureau... bref, il n'est pas tenable. Il a depuis longtemps passé l'âge du parc. Je peux donc être n'importe où, sauf dans mon bureau, ce qui n'est pas très pratique pour travailler. Je n'ai pas la chance d'avoir un portable, alors pour le moment, je ne travaille pratiquement pas. Je fais l'essentiel le soir, mais c'est tout. Mes clients sont patients, mais je commence à vraiment pousser les limites.

Et c'est là que la frustration et la culpabilité entrent en jeu. Le soir, quand je me couche, je pense à ma journée et je me demande "mais, qu'est-ce que j'ai fait aujourd'hui? Bon d'acord, je me suis occupée de Tithom et de la maison, ce qui en soi est très bien, mais à part ça, qu'est-ce que j'ai fait?" Et la réponse, qui est tout le temps "rien", me décourage un peu. Oui, ma maison est propre, le linge sale ne s'accumule pas, je fais de la bouffe, je rigole avec mon garçon. Oui, j'accomplis beaucoup, sous cet angle. Mais d'un autre côté, je n'avance rien. Après Tithom et la maison, il me reste à peine le temps de prendre ma douche, alors on oublie le travail et on oublie les projets. Tout s'accumule. Ma liste s'allonge. Je me sens en retard dans tout. J'ai l'impression parfois de perdre mes journées et ça me frustre. Je suis frustrée contre moi-même de ne pas plus me déniaiser et de ne pas être capable de finir un contrat pendant une sieste-express.

Puis, je me sens coupable. Je m'en veux de trouver que mes journées sont perdues alors qu'elles sont passées à voir mon fils grandir, apprendre, découvrir. Je me sens coupable de penser parfois, alors que je suis assise avec lui à faire un casse-tête "je devrais travailler en ce moment, je dois terminer ceci et celà...". Je m'en veux de ne plus être à 100% avec lui.

Si je ne travaillais pas, peut-être serais-je moins frustrée. Peut-être n'aurais-je pas autant l'impression d'être en retard et de ne rien accomplir. Je sais que j'aurais quand même un peu l'impression de ne rien faire d'autre que m'occuper de Tithom et de la maison, mais ce serait probablement un stress de moins, si je laissais tomber les contrats. Je n'ai jamais vécu pour le travail. Je ne suis pas super ambitieuse. Si je pouvais me permettre de rester seulement maman au foyer, je le ferais. Mais j'aime quand même mon travail et je ne peux me permettre d'arrêter. Pas seulement pour le côté financier, mais parce que c'est un domaine qui évolue trop vite et où tu es vite dépassé si tu ne te tiens pas constamment à jour. Quand je suis partie à mon compte, c'était dans l'idée de pouvoir rester à la maison pour m'occuper des enfants, les accueillir pour leur dîner, être là quand ils rentreront de l'école. Pour ça, je dois rester sur le marché du travail pour quelques années encore. Mais ça ne me tente plus... et je me sens coupable encore une fois...

On nous répète de ne pas nous oublier, de prendre du temps pour nous, quand on devient maman. On nous répète de sortir, de voir des gens, de se garder une vie sociale. Mais après Tithom, après les couches, les repas, le lavage, le ménage, le travail, il ne me reste pas assez de temps pour me coiffer, encore moins pour sortir. Ma vie sociale se résume donc à quelques minutes par jour sur des forums et sur la messagerie.

Comme m'aurait dit mon grand-père, je veux le beurre et l'argent du beurre. Je dois me rendre à l'évidence que je ne peux pas vivre deux vies en une: celle d'une maman au foyer et celle d'un travailleur autonome disponible et professionnel. Je déteste faire les choses à moitié, alors je dois trouver une façon de concillier les deux sans sacrifier quoi que ce soit à Tithom. Et ça presse.

7 commentaires:

  1. Ton texte m'a presque fait pleurer, tellement je reconnais ce que je n'ose même pas m'avouer. Moi en fait je suis maman à la maison, je ne suis même pas travailleure autonome, et je trouve quand même le moyen de laisser allonger ma liste de tâche. Tu sais, quand la culpabilité te ronge juste parce que tu veux t'assoir une minute pour boire ton café tranquile en lisant une page de roman, ou pire encore: quand tu te permets d'être malade, et que l'énergie que tu consacrais au ménage n'est plus disponible. Être maman à la maison, c'est le métier le plus gratifiant du monde, et c'est le métier le plus culpabilisant du monde. Et l'ultime question: nous, notre enfant a la chance d'avoir sa maman à la maison, mais si toi et moi n'arrivons pas à enfanter à nouveau (j'ai aussi des problème de fertilité), comment notre enfant va-t-il apprendre à socialiser? Sera-t-il désavantagé par rapport aux autres enfants de la génération CPE? On pense faire le mieux pour eux, mais est-ce vraiment le cas? Moi, ça m'obsède...

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  2. Mon rôle de maman à la maison n'est que temporaire, mais je me suis quand même reconnue. On dirait que vu qu'on est "payée" pour rester à la maison (car c'est mon cas en maternité) c'est comme si m'occuper de tout est mon travail. Et quand je ne fou pas grand chose, comme aujourd'hui, ben oui, je me sens coupable. Je viens de ramasser ce qui traine car popol va arriver sous peu...et le pire est que popol ne dirait rien même si la maison a l'air du bordel. En autant que Kalou est bien, nourri et a reçu l'amour qu'il mérite alors la vie est belle....

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  3. T'aurais pas envie d'essayer une petite journée de garderie par semaine, juste pour voir? Si tu arrives à en faire plus en une journée sans Tithom que dans toute ta semaine, peut-être que ça pourrait valoir la peine. Babe va dans une halte-garderie, c'est super souple, c'est pour dépanner. Tu n'y vas que lorsque tu en as besoin. Pour ma part, c'est la solution qui me convient.
    Je te souhaite de trouver toi aussi la solution qui fera ton bonheur et celui de Tithom.

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  4. Je pense comme Ysa. Une petite journée de garderie par semaine te permetterais de mettre les bouchées doubles pour être à jour dans ton travail. Et les autres jours de la semaine seraient consacrés à Tithom sans remords...

    Je crois qu'être maman à la maison est un "métier" en soi. Ça occupe toute la journée, même les soirs. Sans parler des fins de semaine...

    C'est extrêmement gratifiant, mais tellement peu valorisé. Je crois que la reconnaissance il faut la trouver chez notre conjoint, notre famille et nos amis.

    Pour moi, il n'y a rien de tel qu'une sortie en amoureux pour recharger mes batteries. Cinéma ou resto avec un p'tit café et hop! on repart...Même si une sortie demande beaucoup de préparation, je suis certaine que tu sera récompensée en double.

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  5. @Annie: mon congé de maternité est terminé depuis plusieurs mois et comme je suis à mon compte, je ne recevais pas grand chose. Ma culpabilité n'a donc rien à voir avec l'argent... ;) Et ce n'est pas Hom qui dirait de quoi non-plus, si la maison était à l'envers. On est chanceuses pour ça!

    @Ysa: c'est ce que je considère de plus en plus. Ce qui m'arrête est le fait que mon travail n'est pas régulier et c'est dur de planifier parfois. C'est très souvent du dernière minute, ou du "pour avant-hier"... Je suis en train de regarder une halte pas trop loin justement... y'a juste les fous qui changent pas d'idée, hein?

    @Mamanie: je ne cherche ni gratification, ni reconnaissance, puisque je les ai dans les yeux de mon chum et le sourire de mon fils. Mais de l'accomplissement professionnel, ça, j'en ai de moins en moins... Je perds du gallon un peu.

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  6. Ton texte résume tellement bien mes apréhensions pour les prochaines années... J'expérimenterai cette réalité dès le printemps et, parfois, je dois avouer que ça me fait un peu peur...

    Peut-être que tu as raison, peut-être qu'on veut juste "trop"... Mais en même temps, en focussant sur les raisons qui nous y poussent, on s'apperçoit vite à quel point c'est essentiel pour nous, à quel point c'est une question de fidelité envers soi-même, de conviction profonde.

    Ton projet est louable et il semble tout à fait réalisable... Peut-être serait-il possible de réduire encore la masse des contrats si l'aspect financier le permet, de ne garder que quelques clients triés sur le volet? Cela pour quelques années, le temps que le dernier de la marmaille soit d'âge scolaire.

    (pause)

    Je viens de lire les autres commentaires... La halte-garderie peut aussi être une solution envisageable si elle te convient. Ça permet un certain compromis!

    Bref, là où je voulais en venir, peu importe la solution mise de l'avant, l'important c'est de trouver ta zone de confort à toi. De sentir que tu te respectes dans tes désirs et aspirations, le tout en tenant compte des contigences de ta vie . Peut-être aussi d'accepter que tout ne peut pas suivre un plan parfait...

    Bonne chance!

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  7. Je te comprends vraiment car j'ai vécu la même situation il n'y a pas si longtemps compte tenu que j'ai mon entreprise et que j'étais déchirée entre mon travail et passer du temps avec mon petit. Malgré que je suis encore en congé parental et que je travaille aussi à la maison je dois aller au bureau environ 1 journée par semaine pour faire des réunions. Compte tenu que les belles-mères ne sont pas disponibles pour garder, j'ai dû trouver une garderie en milieu familiale. Il a commencé vendredi passée et ça super bien été quoiqu'il pleurait lorsque je suis partie le matin. Bref, ce n'est pas toujours évident de concilier le travail et la famille et être satisfaite dans les 2 situations. Je me sentais coupable au début mais je crois que j'ai prise la bonne solution. Mon petit-pou passe en premier dans ma vie mais dans la vie il faut travailler aussi donc il y a des concessions à faire. C'est déchirant. Prends la décision qui te semble le mieux et je suis persuadée que ton ti-homme vivra très bien la transition. Bonne chance!

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