14 juillet 2006

Souffrir

Je souffre, tu souffres, tout le monde souffre ou a souffert à un moment de sa vie. Que ce soit physiquement ou phsychologiquement. On ne peut quantifier la souffrance. On ne peut mettre toutes nos douleurs sur une échelle et dire qu'une est pire ou moindre qu'une autre. Ça ne marche pas comme ça.

En infertilité, on passe beaucoup de temps à se regarder le nombril. Et pas juste lorsqu'on doit se donner des injections. L'infertilité nous ramène vers nous-même, vers notre souffrance, vers notre manque. On a beau lire des histoires super inspirantes et encourageantes, ça ne nous avance pas. On sait très bien que si un traitement a fonctionné pour une femme, ça ne veut en rien dire que ça va aussi fonctionner pour nous. Mais ça ne nous empêche pas de nous comparer. Et la comparaison, ce n'est pas vraiment bon... ni très constructif.

Quand on compare deux cas, on peut se dire que l'autre a plus souffert, ou moins attendu, ou que 2 ans avant de tomber enceinte c'est moins pire que 1 an de traitements... Mais en réalité, on ne peut pas comparer. On ne devrait pas. Si on établissait un système de point pour voir qui a le plus souffert et qui a droit à plus de sympathie que qui, on verrait bien le ridicule dans tout ça.

Par exemple...

Calculez 500 points pour un an d'essai sans grossesse
Ajoutez 100 points pour chaque année supplémentaire
Ajoutez 1000 points par fausse-couche
Ajoutez100 points par cycle sous médicaments oraux
Ajoutez 200 points par cycle sous injections
Enlevez 300 points si vous ovulez naturellement
Ajoutez 200 points par cycle avec insémination
Ajoutez 1000 points par cycle FIV
Enlevez 1000 points si vous avez déjà un enfant
Ajoutez 50 points par belle-soeur, amie, soeur, cousine, collègue qui est tombée enceinte pendant vos essais
Ajoutez 10 points pour chaque fois qu'on vous a dit de relaxer et de ne plus y penser
Ajoutez 50 points par test négatif
Ajoutez 100 points par test faussement positif
Ajoutez 300 points si vous prenez votre température
Enlevez 100 points si vous ne calculez rien, mais que vous vous plaignez quand même que c'est long

Je pourrais continuer longtemps comme ça... Ça n'a aucun sens! C'est complètement ridicule! Comment peut-on quantifier ce genre de douleur? Comment peut-on comparer deux histories complètement différentes?

J'ai pris 3 ans à tomber enceinte de Tithom. Deux ans de suivi en fertilité, des tonnes de pilules, une fausse-couche et deux inséminations... Ça, on le sait. Pour certaines, mon histoire est triste, si on ne compte pas le superbe dénouement. Pour d'autres, il n'y a rien là, elles ont vu pire. Il y a sûrement des gens qui se disent que je devrais en revenir, que j'exagère. Et pour d'autres, c'est inspirant, de voir qu'après tout ça, j'ai enfin mon garçon avec moi. Qui suis-je pour demander la pitié ou l'envie? Je n'en veux pas de toute façon. Je voudrais seulement qu'on arrête de comparer notre douleur avec celle des autres. Chaque individu vit la douleur à sa façon, avec son intensité, sa force et ses faiblesses. C'est pareil pour l'infertilité et les essais bébé.

Si on ne peut mettre un pointage sur la souffrance et déterminer qui a souffert plus que qui, on peut quand même essayer de supporter les gens qui ont mal. En reconnaissant leur douleur, même si elle nous semble petite par rapport à la nôtre, on fait déjà un très grand pas. Je souffre, tu souffres aussi. Je me fous de savoir qui souffre plus que qui, je veux juste que tu saches que je sais que tu souffres aussi. Et je t'appuie, peu importe depuis combien de temps tu attends le passage de la cigogne.

3 commentaires:

  1. C'est vraiment un beau texte que tu as pondue la, Kiwi. Je ne sais pas combien de fois mon chum peut me repprocher de tout revirer sur moi. Pourtant, j'aime écouter et aider les autres, mais dès que j'ai 2 minutes pour m'appitoyer sur mon sort, broyer du noir et dire que tout est pire pour moi, je le fais...

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  2. Eh bien c'est joliment écrit. Merci Kiwi ! Je devrais le faire lire à maman, peut-être qu'elle réaliserait à quel point elle peut me faire souffrir quand elle me dit que "ce n'est pas grave, ils avaient à peine un mois".

    Ton vécu me donne beaucoup de courage en tout cas. Et je serais bien loin de critiquer ou de dire que "ce n'est pas grave, qu'on s'en remet ou même que, c'est bon maintenant (en tirant un trait sur les 3 dures années), il est là"...

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  3. Je ne peux m'empêcher de me demander combien de points je "mériterais" avec mon IMG à mi-grossesse alors que la belle-soeur et la meilleure amie étaient enceintes elles aussi du même temps de moi et qu'ELLES, elles ont pu garder leur bébé bien au chaud, car en parfaite santé.

    Grossesse qui était précédée de 9 mois sans ovulation et de finalement une prise d'hormones (parce qu'un moment donné...faut c'qui faut hein).

    Sans parler de ma grossesse suivante, même si elle s'est "bien terminée", qui a été très stressante et accompagnée des derniers mois de vie de mon père (cancer).

    En tout cas, tout ça accumulé, ça été assez pour que je tombe K.O. et que mon chum tombe en congé parental, non prévu.

    Souffrir vous dites?

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