7 mai 2006

Ma place

Quand j'ai commencé mon blog, il y a plus d'un an, je cherchais un endroit où je pouvais parler de mon infertilité en toute liberté. Je pouvais en parler sur des forums, avec des amies, mais pour moi, ça manquait de franchise. En fait, je retenais certaines paroles, de peur de ne pas être bien comprise ou de blesser des gens par mon amertume. Ici, dans mon espace, je pouvais dire ce que bon me semblait. C'était mon exutoire, ma façon à moi de libérer ma rage.

L'infertilité a occupé une grande place dans ma vie. Certains jours, elle occupait même toute la place. Pendant près de 3 ans, mon rêve de devenir maman l'emportait sur tous les autres. Pendant 2 ans, les traitements et cycles hyper-analysés étaient presqu'une priorité. Comme j'avais souvent l'impression que les gens près de moi trouvaient que je ne parlais que de ça, j'ai voulu me trouver un endroit pour recueillir mes pensées sur le sujet, sans ennuyer les gens. Si quelqu'un pouvait se sentir moins seul en me lisant, si je pouvais donner ne serait-ce qu'une particule d'espoir à une femme aux prises avec l'infertilité, je trouvais mon blog utile.

À ma grande surprise, mon blog m'a aidée bien plus que je ne l'aurais crû. Ça m'a aidé à valider mes sentiments, à les apprivoiser et à les accepter. Je m'en voulais d'être enragée, je m'en voulais d'être jalouse et frustrée. Je n'osais pas le montrer ailleurs, mais ici, je me le permettais. Au diable les gants blancs! Si on n'aimait pas ce que j'avais à dire, on n'avait qu'à ne pas me lire! Écrire ici m'a aidée à classer mes pensées, à faire du ménage et à libérer bien des douleurs accumulées. J'ai réussi à dire ce que je voulais dire depuis longtemps, sans avoir l'impression d'ennuyer les autres avec mes problèmes.

Puis, je suis tombée enceinte. Ayant été éprouvée une fois, j'ai vécu la grossesse avec une vision d'infertile, avec la sensibilité de quelqu'un qui sait ce qu'elle peut perdre. Il y a une différence, quand on a déjà perdu une bébé et quand on ne l'a jamais vécu. Quand on n'a jamais eu de fausse-couche, on a peur de perdre notre bébé, bien sûr. C'est normal et je crois que c'est le cas de toutes les femmes, fertiles et infertiles. Mais la peur reste raisonnable. On se dit inconsciement que ça n'arrivera pas, que tout ira bien. On est capable de continuer à sourire en caressant notre ventre. On peut quand même déjà rêver à la chambre du bébé, au prénom, à la couleur des pyjamas. Mais quand on en a perdu un, tout change. On sait concrètement ce que c'est, de perdre notre bébé. On connaît la douleur de l'intérieur. On n'ose plus voir trop loin, de peur de se faire encore une fois dérober notre rêve. J'ai donc vécu ma grossesse avec ce petit nuage au-dessus de ma tête. J'en ai profité, c'est certain! J'ai savouré chaque seconde avec mon Pépin. Mais je l'ai vécu à ma façon, et mon blog m'a servi à parler de tout ça alors que je ne me sentais pas toujours à l'aise de le faire ailleurs. Ici, c'est chez moi. Je suis libre de penser comme je le veux, même si parfois ça peut sembler insensé. Je me sentais prise entre deux camps. D'un côté, les infertiles qui devaient se dire "arrête de jouer les martyres! Tu es enceinte maintenant! Tu as ce que nous rêvons d'avoir." D'un autre côté, les femmes enceintes et les mères, avec qui je ne me trouvais rien en commun et qui devaient se dire "reviens-en!" sans comprendre. Le camps des ex-infertiles-enceintes-et-fort-probablement-bientôt-mamans était assez petit... Je n'étais plus tout à fait dans le premier camps, mais je ne me sentais pas du tout à ma place dans le deuxième.

Maintenant que je suis maman, je ne sais plus trop où est ma place. Je pourrais bien essayer de continuer à écrire sur ma maternité vue par les yeux d'une infertile. Mais je ne me sentirais pas honnête. D'un côté, je me considère encore infertile, mais d'un autre... je n'ai pas le droit de me considérer infertile. Tant de femmes se battent encore contre l'infertilité. Tant de couples n'ont pas encore réalisé leur rêve de devenir parents. Je ne me sens pas le droit de me considérer une des leurs, puisque moi, j'ai mon bébé. Moi, j'ai réalisé mon rêve. Oui, dans mon coeur, l'infertilité a laissé une très grosse cicatrice. Mais je ne peux plus passer mon temps à regarder en arrière, à soupirer en pensant à tous ces mois décevants et douloureux. Je suis maman. J'ai ce qu'il y a de plus précieux au monde: un enfant.

Pendant tout ce temps, j'ai lu, recherché, questionné sur l'infertilité et la conception. C'était un domaine qui me faisait mal, mais que je connaissais bien. Je m'y sentais comme chez moi. Pendant ma grossesse, je me suis toujours sentie plus à l'aise dans le monde de la conception que dans celui de la grossesse. Je me permettais encore d'appuyer des filles en essais en les considérant comme des consoeurs. Depuis que je suis mère, je me retiens. J'aime aider les gens, surtout quand ça a rapport avec l'infertilité. Si tout ça peut me servir à aider d'autres personnes, ce sera ça de gagné. J'ai longtemps fait partie de cette équipe, c'est juste normal maintenant pour moi d'être dans l'estrade et de les encourager. Mais peut-être ne veulent-elles pas d'une maman dans les estrades? Peut-être que les femmes faisant encore partie de ce monde ne me considèrent plus des leurs? Je ne veux surtout pas offusquer des gens, alors que ce genre de choses m'agaçait quand j'étais dans leurs souliers.

Bref... Je voulais parler de la maternité vue par les yeux d'une ex-infertile, mais ça me semble très peu intéressant vu de l'extérieur. J'ai beau m'émerveiller devant les bulles de bave que fait mon fils, j'ai beau pleurer de fierté parce qu'il a tenu son jouet 4 secondes dans sa petite main, j'ai bien l'impression que ça n'intéresse que moi. Je n'en suis pas insultée, c'est simplement normal... Les histoires de bébés doivent finir par toutes se ressembler... Même si chaque respiration de mon fils m'émerveille, même si le fait de le voir me sourire, en ouvrant les yeux le matin, me rappelle à chaque fois à quel point je suis choyée, même si pour moi, Tithom est le plus beau cadeau que la vie ait pu me faire, je ne dois pas oublier par où je suis passée et qu'il y a encore bien des gens sur ce chemin.

Ma place? Je ne sais plus où elle est, si j'en ai encore une... Je vais tenter de m'en tailler une à ma mesure... la place d'une nouvelle maman, ex-infertile, ex-amère, qui s'épate devant le visage bien rond de son bébé tout en gardant en tête que ce rêve n'est malheureusement pas accessible à tous. Ma place, celle de la maman de Tithom, celle de la blonde de Hom celle de Kiwi, auteure de ce blog en constante évolution.

5 commentaires:

  1. Salut Kiwi! Depuis presque trois ans que moi et mon conjoint essayons de concevoir un petit bébé. Nous n'avons jamais vraiment pousser les traitements, mais je prends ma température à tous les matins. À tous les matins, je sors mon petit graphique, y ajoute un point et essaie d'y voir une ovulation... qui n'arrive qu'un mois sur six.

    Bref, c'est l'angoisse à tous les matins.

    Puis, je suis tombée par hasard, sur ton blog. Et ça m'a fait vraiment du bien de te lire. Je me suis dit pour la première fois en trois ans que je n'était pas la seule à vivre ça, et que ce n'était pas honteux. Ce qui m'a fait le plus grand bien, c'est de voir que toi aussi tu y pensait à tous les matins, et que ça t'est finalement arrivée.

    (Ma mère me répête sans cesse que si ça fonctionne pas, c'est parce que j'y pense trop... )

    C'est un long message... mais je tenais à te dire que tu n'as pas écrit en vain, tu m'as aidée et tu en as aidé plein d'autres, j'en suis certaine.

    De plus, je crois que tu as ta place dans les deux camps. On s'est déjà croisée sur un certain forum et je peux te jurer que tes interventions sont toujours les bienvenues.. même si tu es maman. Ça nous prouve qu'on peut y arriver nous aussi.

    En toute amitié,

    CathyM

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  2. Comme je te l'ai dit l'autre jour, j'ai beaucoup appris de toi, oui j'ai un parcours moins long et moins compliqué, mais la douleur reste la même. Tu vois, quand j'essayait de concevoir notre petite poupoune sans succès, des messages de gens comme toi me faisaient chaud au coeur, je me rendais alors compte que rien n'était impossible...

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  3. Pour moi, tes commentaires sont toujours très appréciés. Même si mon chemin ne ressemble pas au tient, tu es une source d'espoir pour moi... et aussi une mine d'information! :) Et même si je ne suis pas maman et que je ne le serai peut-être jamais, j'adore lire ce que tu écris sur ton ptit bonhomme et j'adore aussi voir ses photos. Je pense que tu as ta place partout, pour le bonheur de tous :)
    Laury

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  4. Bonjour!ça fait 4 ans que j'essaie de tomber enceinte:je ne suis pas stérile mais je ne suis pas non plus fertile!On a découvert ça y a 1 an.J'ai de l'hyperprolactinémie: le taux trop élevé de prolacine empêche l'ovulation.
    ça fait 6 mois que je prend parlodel pour réguler cette hormone et je prend en + 1 traitement pour simuler l'ovulion mais bébé n'arrive toujours pas.
    C'est vrai que pour en parler c'est dur car les gens ne comprennent pas:on parle tellemnt du controle des naissances avec la pilule qu'on croit pouvoir décider de la date de conception.Les gens croient que c'est parcequ'on y pense trop, foutaise!!!
    ça me redonne de l'espoir de lire ton témoignage car en ce moment ....j'ai tout laissé tombé, mes traitements, mon suivi gynéco.Je ne crois + au miracle et je me dis que je n'aurais jamais d'enfants.J'en ai marre d'espérer, marre de prendre des comprimés, marre de prendre ma température pour vérifier que le traitement me fait ovuler.
    Je suis pas encore prête à faire 1 fiv:c'est dur psychologiquement, ça peut échouer, on peut faire des fausses couches, etc
    Quelle est l'origine de ton infertilité?as tu pris des médicaments?Adeline

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  5. Adeline, premièrement, je veux te souhaiter bonne chance. Ça peut faire du bien, des fois, de décrocher quelque temps. J'espère que tu deviendras maman très bientôt.

    Deuxièmement, les détails de mon parcours sont pas mal tous discutés dans ce blog... Mais pour résumer, j'ai les ovaires polykystiques. La multitude de kystes sur mes ovaires m'empêche d'ovuler naturellement. J'ai essayé plusieurs traitements, dont les injections et les inséminations, mais c'est finalement la combinaison du Metformin (glucophage) et du Femara (létrozole) qui a fonctionné le cycle où je suis tombée neceinte, après presque 3 ans d'essais.

    Je te souhaite la même chance.

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