Quand j'étais jeune, je voulais être tout, sauf ordinaire. Je voulais être différente des autres, pas nécessairement pour me faire remarquer, mais plutôt pour renforcer mon sentiment d'être unique, d'avoir ma propre valeur. Ce côté rebelle, ou original, m'est un peu resté.
Quand j'étais aux prises avec mon infertilité et notre désir ardent de fonder une famille, je savais que je n'étais pas normale. Enfin, la normalité est relative... J'étais anormale côté physique, côté fertilité, mais si je comparais mes émotions et épreuves avec celles d'autres infertiles, j'étais tout à fait normale. Dans la masse, je me sentais exclue, je sentais que j'avais quelque chose de moins que les autres femmes "normales". Quand je suis tombée enceinte, je me suis dit que maintenant, je serais normale, comme les autres. J'ai essayé de comparer mes symptômes, mes sentiments et mes espoirs avec ceux d'autres mamans "comme moi", pour me sentir des leurs, en vain. Je ne suis pas comme les autres, je crois que mon parcours fait que je ne le serai jamais.
Peut-être suis-je plus tolérante à cause de ce que j'ai traversé. Peut-être suis-je seulement moins portée à parler de chaque petite chose qui ne va pas comme elle devrait. Peut-être ai-je aujourd'hui une différente vision de ce qui est un problème et de ce qui n'en est pas vraiment un. Je ne sais pas trop ce qui fait que je ne me sens pas "dans la gang", mais je sais que je n'y tiens pas plus que ça non-plus. Je n'ai pas eu de nausée, je ne suis pas étourdie, je n'ai pas les jambes enflées, je ne marche pas les pattes écartées, je n'ai ni essoufflement, ni reflux gastrique, ni perte d'équilibre, je n'ai pas les nerfs à vif ni les émotions à fleur de peau, je n'ai ni saute d'humeur, ni douleurs... Je me sens bien, je suis bien depuis le début. Oh bien sûr, j'ai eu quelques petits désagréments. J'ai eu des maux de tête pendant près de 4 semaines. Je souffre encore de constipation. J'ai souvent des brûlements d'estomac. Mon nerf sciatique me fait mal dès que je bouge d'une position que je tenais depuis un bout de temps. Jamais je ne m'en plains et ça ne risque pas de changer. Je ne dis pas ça en voulant dire que je trouve les autres femmes qui décident d'en parler plaignardes ou "petite nature". Pas du tout! Le seuil de tolérance est unique à chacune. Je ne jugerai jamais quelqu'un de vouloir partager ce qu'elle vit, sans vouloir se plaindre, si c'est pour trouver du réconfort chez d'autres femmes comme elle. Je dis seulement que moi, je ne ressens pas du tout le besoin de partager cette facette de ma grossesse. Je balaie du revers de la main ces petits inconvénients et je continue, les yeux rivés vers l'avant plutôt que vers mon nombril.
J'ai longtemps partagé les choses désagréables que me faisait vivre mon infertilité. J'ai parlé des effets secondaires des médicaments, des commentaires blessants, de la perte d'espoir, de la rage, du sentiment d'injustice, de ma difficulté à me relever à chaque cycle, des larmes, de notre volonté de continuer malgré tout. Je suis pourtant consciente que plusieurs femmes qui sont passées par un chemin semblable au mien n'ont probablement pas partagé tout ça. Certaines femmes n'iront jamais en clinique de fertilité. D'autres ne tomberont pas dans le désespoir ou la rage comme je l'ai fait. C'est personnel, tout comme la grossesse.
Ce que nous avons vécu physiquement et émotionnellement pendant les années d'infertilité a été, pour Hom et moi, bien plus difficile que tout ce que nous avons pu vivre depuis le début de la grossesse. Plusieurs amis ont pensé bon d'avertir Hom que j'aurais un caractère de cochon pendant la grossesse. Hom souriait, en sachant très bien que rien ne peut être pire que l'humeur d'une femme sur Metformin, Clomid et Puregon tous ensemble. Nos années d'infertilité et de traitements hormonaux nous ont préparé, de bien plus de façons qu'on ne l'aurait cru, à vivre la grossesse de façon sereine.
Par contre, je crois que le fait d'avoir tant attendu notre enfant, d'avoir tant traversé pour arriver où nous en sommes nous donne une certaine pression que les autres n'ont peut-être pas. J'ai tellement rushé, j'ai tellement voulu tomber enceinte, je ne me vois juste pas en train de me plaindre à chaque petit malaise. Ce serait presque mal vu de me plaindre. J'entends déjà une petite voix dire "tu l'as voulu, maintenant, endure!" Le hic, c'est que pour l'instant, je n'ai pas l'impression d'endurer quoi que ce soit. Je le vis, point. J'ai toujours dit que je prendrais tout ce qu'il faudrait pour avoir mon enfant, c'est ce que je fais. Même si je m'enlève cette pression, que je juge inutile de toute façon, je ne ressens ni l'envie ni le besoin de parler de ce qui est moins agréable. Je ne m'en prive pas, je crois que je me sentirais libre d'en parler si j'en avais envie. Je ne crois pas que le fait de dire qu'on a mal enlève quoi que ce soit à notre volonté de prendre tout ce que la grossesse met sur notre chemin -bien et mal- si ça veut dire avoir un enfant en santé. C'est seulement une question de désir de partager ou non ces expériences, désir que je n'ai pas, voilà tout.
J'aime bien lire les témoignages d'autres femmes qui vivent plein de choses que je ne vis pas. Je ne suis certainement pas jalouse, après tout, j'ai la chance de vivre une grossesse quasi exemplaire. Je ne me sens pas tant anormale, seulement différente. Et il n'y a rien de mal à être différente, après tout.
13 septembre 2005
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t'es différente.. unique..
RépondreEffaceret géniale!!
ton expérience de vie a fait de toi une fille formidable et très agréable à côtoyer, pleines de ressources, tu es humaine sensible et solide!!
xx
Vous avez un blog très agréable et je l'aime, je vais placer un lien de retour à lui dans un de mon blogs qui égale votre contenu. Il peut prendre quelques jours mais je ferai besure pour poster un nouveau commentaire avec le lien arrière.
RépondreEffacerMerci pour est un bon blogger.