Il y a 3 ans, je ne recommençais pas une nouvelle plaquette de pilules. Il y a 3 ans, on commençait notre aventure vers la parenté, sans nous douter que ce serait si difficile et couvert d'obstacles. J'avais 25 ans, Hom en avait 27, nous étions prêts.
En août 2002, nous avions décidé de commencer les essais et de laisser la nature décider. Je savais que j'avais des problèmes de fertilité, je les ai toujours eu. Mais jamais je n'aurai pu imaginer le chemin que nous aurions à traverser.
En août 2002, je voyais déjà notre enfant naître, grandir et rire dans notre appartement. Je voyais déjà notre avenir tracé, j'avais confiance. En août 2002, j'étais naïve.
Les premiers mois ont été décevants. Je ne croyais pas vraiment pouvoir concevoir tout de suite en partant, mais j'osais espérer quand même. Si j'étais tombée enceinte au départ, notre enfant aurait aujourd'hui plus de 2 ans. Nos vies seraient complètement différentes. Je n'aurais pas eu à essayer tous ces traitements, à vivre les épreuves de l'infertilité et à me forcer, mois après mois, année après année, à garder espoir malgré tout. Ça aurait été simple, comme ce l'est pour tellement de gens.
On a beau dire que nos efforts ont porté fruit, que tout ça vallait la peine puisqu'aujourd'hui je porte un enfant, je grince un peu des dents en entendant ça. Oui, nos efforts ont finalement été récompensés. Valloir la peine? Je ne sais pas. Je ne dis pas que la vie de notre enfant n'aura pas vallu l'attente, non. Je sais qu'on ne peut mettre une valeur sur cette vie, puisqu'elle vaut tellement plus qu'on ne peut l'imaginer. Mais d'un autre sens, dire que tout ça vallait la peine, ce serait comme dire que je devais passer tous ces tests, vivre toutes ces déceptions, perdre mon premier bébé, pour pouvoir en arriver là. Que c'était le prix que je devais payer, alors que tant d'autres femmes n'ont pas à débourser quoi que ce soit pour en arriver au même résultat. J'ai beau me répéter que Pépin vaut tous les efforts et tous les désespoirs, je ne suis pas toujours convaincue. Je suis convaincue de sa valeur, je ne suis pas convaincue qu'on puisse la calculer en souffrance et en temps. Je ne comprends pas pourquoi nous avons eu à vivre tout ça pour avoir exactement la même chose que les autres. Ce n'est pas vrai que cet enfant-là sera plus aimé ou plus apprécié parce qu'il a été attendu et désiré si longtemps. Oui, nous l'aimerons de toutes nos forces, de tout notre coeur. Mais de dire ça voudrait dire que les autres femmes qui n'ont pas eu à traverser les mêmes épreuves n'aiment pas leurs enfants tout autant. Si nous avions conçu en août 2002, nous aurions aimé notre enfant avec la même force, avec la même fierté. Personne ne saura, en regardant notre enfant, qu'il a été désiré et espéré si longtemps. Il ne sera pas différent, il ne sera pas plus spécial qu'un autre, sauf dans nos coeurs. Nous n'avons, aujourd'hui, rien de plus que les couples qui ont conçu en criant ciseau. Nous sommes comme eux, aux yeux de tous.
Mais nous sommes très différents. Nous avons en nous des cicatrices qui ne disaparaîtront jamais vraiment. Les épreuves ont changé beaucoup de choses en nous et, même si ce n'est pas toujours visible, c'est permanent. Au-delà de la force que ça nous a donné, de mon caractère que j'ai développé, de notre couple qui a été solidifié, des connaissances que nous avons acquises, de l'ouverture d'esprit et de la compassion que nous avons gagnées, bien des petites choses ont changé en moi. Je ne serai jamais capable d'être heureuse spontanément en apprenant une grossesse chez des fertiles. Je ne serai jamais capable d'entendre une femme se plaindre pendant sa grossesse, peu importe ce qu'elle a traversé. Je ne serai non-plus jamais capable de sauter de joie sans m'inquièter en passant un test de grossesse positif. Je ne serai jamais à l'aise avec les gens qui ignorent tout de l'infertilité. Je n'endurerai jamais les femmes enceintes qui voient la vie à travers des lunettes roses. Je ne tolèrerai jamais les commentaires imbéciles comme "arrête d'y penser" ou "c'est tellement le fun la pratique!". Je ne serai plus jamais la même femme qui, il y a 3 ans, arrêtait la pilule en pensant être enceinte dans les mois qui suivent. Je ne serai plus jamais innocente, je ne serai plus jamais naïve. Mais je serai forte et je serai remplie d'espoir, ça m'a menée ici, après tout.
3 août 2005
S'abonner à :
Publier des commentaires (Atom)
Je ne peux m'empêcher de dire que derrière la facilité apparente que certaines ont à concevoir un enfant, il existe d'autres difficultés en paralèlle auxquelles tu ne toucheras peut-être jamais et qui n'en sont pas moins considérables.
RépondreEffacerJe n'ai pas connu l'infertilité, mais des amies qui y ont touché, je peux imaginer un peu. J'ai connu la facilité à concevoir, mais j'ai aussi connu d'autres maux, de l'âme particulièrement, différents des tiens, dont j'ai beaucoup de mal à accepter qu'ils soient jugés avec tant de facilité...Ceci dit, je comprends malgré tout l'indifférence que tu peux avoir pour le petit malheur ordinaire, j'ai la même, mais avec l'idée que parfois, ce qui m'est inconnu peut me sembler facilement ordinaire alors que la perception change quand on devient partie prenante.
Je viens tout juste de décourvir ton blogue et j'avoue que ca me touche énormément puisque moi aussi je passe par ou tu es passée... Nous aussi ca fait pres de 3 ans qu'on essais d'avoir une petite grenouille, mais j'ai des problemes de kystes sur les ovaires qui m'empeche d'ovuler. Tu me rapelle de ne pas laisser mourir l'espoir... MERCI et milles fois félicitation!
RépondreEffacer