6 mars 2008

Infertile à vie?

Un jour, enceinte de Tithom, je parlais de mon infertilité avec une amie et elle m'avait dit sèchement "mais tu n'es plus infertile, tu es enceinte." Sur le coup, j'avais été très insultée. Dans ma tête, mon coeur, mon corps, ça n'avait pas changé, encore moins comme ça, du jour au lendemain. Mon parcours ne pouvait pas être effacé par l'arrivée d'une deuxième ligne sur un test de grossesse. J'étais encore infertile, malgré les apparences. Je le serais toujours, selon moi. Mais je me rendais bien compte que pour les autres, c'était bien plus simple. Trop simple.

Est-ce que l'infertilité se termine lorsqu'on a un bébé? Est-ce seulement un état médical, ou est-en aussi un état d'esprit, un état d'âme?

L'infertilité a longtemps fait partie de mon quotidien. C'était une seconde nature. Ça ne me définissait peut-être pas, mais presque. L'infertilité avait toute une emprise sur ma vie, sur mes décisions, sur ma façon de voir les choses. Elle a changé bien des trucs en moi. Certains de façon négative, en les faisant mourir comme une plante qu'on oublie d'arroser, et d'autres de façon positive, comme le courage qui grandit devant l'adversité. L'infertilité a forgé une partie de ce que je suis aujourd'hui et serai pour le restant de mes jours. Elle a rendu bien des choses visibles pour moi et je ne pourrai jamais plus les ignorer. Même une fois maman, j'ai et j'aurai toujours ce regard d'infertile, cette sensibilité accrue aux espoirs des couples qui vivent l'attente du bébé qui tarde à venir. J'ai déjà dit: je ne fais plus tout à fait partie de leur équipe, mais je ne suis pas non-plus dans le camp opposé. Je suis maintenant dans les estrades à les encourager, avec la fougue de celle qui sait car elle est passée par là. J'aurai toujours tendance à me mettre dans la peau des autres, à savoir que bien souvent, les infertiles vivent les émotions de façon irrationnelle pour les autres, mais très vive et crue pour eux. Je ne le vivrai peut-être plus, mais je continuerai à comprendre.

Et puis, après avoir eu Tithom, je me considérais toujours infertile parce que je savais que j'aurais recours à la PMA si nous voulions un deuxième enfant. La grossesse ne m'avait pas guérie, elle m'avait seulement donné un break. Et ce serait le cas pour chaque enfant que nous voudrions.

Même aujourd'hui, alors que je suis sur le point de donner naissance à mon deuxième enfant, je me sens toujours infertile. Un peu moins qu'avant, mais quand même. Ça fera toujours partie de moi, même si l'infertilité ne sera pas pour toujours une bataille que je mènerai de front. Seulement, aujourd'hui, je ne me sens plus autant à l'aise de me définir ouvertement comme infertile, même si pour moi, je le serai toujours. Pas par honte, ni parce que je crois ne plus l'être, mais par respect pour ceux qui sont encore en plein combat.

Quelques personnes m'ont demandé pourquoi je me définissais encore comme étant infertile alors que j'allais avoir deux enfants. Je crois que la définition même de l'infertilité change d'une personne à l'autre, selon son expérience. Pour moi, être infertile, c'est ne pas arriver à concevoir un enfant dans un temps raisonnable (disons un an, comme dans la véritable définition) et/ou sans aide médicale. Mais au-delà de ça, au-delà des termes techniques et des statistiques, être infertile, c'est avoir connu le déchirement, le vide, la douleur que crée l'attente d'un enfant qui ne vient pas. C'est devoir se battre pour quelque chose qui devrait être naturel et ne demander aucun effort.

Je ne me sens pas coupable d'être heureuse aujourd'hui. Je souhaite le même bonheur à tous les couples infertiles, même si je sais très bien que malheureusement, plusieurs ne s'en tireront pas aussi bien que nous. Je ne me sens pas non-plus coupable de ne pas toujours tout voir en rose dans la grossesse et la maternité. Un parcours difficile n'enlève pas le droit au découragement. Seulement, je n'oublie pas. Jamais je n'oublierai comment, lorsqu'on est de l'autre côté de la clôture, ça fait mal de voir une femme enceinte. Jamais je n'oublierai les pensées, égoïstes peut-être, mais réelles lorsqu'on le vit, qui traversent notre esprit quand on entend une femme enceinte se plaindre, quand on entend une mère nous offrir de nous vendre son enfant un peu turbulent pour "pas cher". Je n'oublierai pas combien de fois je me suis dit "tais-toi, au moins tu as la chance d'être maman/future-maman alors que moi, j'essaie depuis si longtemps." Jamais je n'oublierai que c'est frustrant de se faire dire "tu n'as pas d'enfant, tu ne peux pas savoir", même si au fond, c'est vrai qu'on ne peut pas savoir...

En aucun cas, je ne voudrais insulter les couples qui sont encore aux prises avec l'infertilité au quotidien. Mais jamais je ne me considérerai fertile ou normale du point de vue système reproducteur. C'est donc pourquoi je me considère encore infertile: je ne suis pas fertile et je ne le serai jamais. Voilà tout.

8 commentaires:

  1. Je suis 100% d'accord avec toi. Moi aussi lorque j'aurai donné naissance je vais encore me considérer infertile. Comme tu dis l'infertilité c'est la difficulté à concevoir dans un délais ressonable.

    Cindy

    RépondreEffacer
  2. Je suis aussi d'accord avec toi. Je n'ai pas d'enfant encore, mais je sais que même si j'en ai un un jour, je serai infertile à vie.

    RépondreEffacer
  3. J'aime tellement te lire, ça me donne un boost de courage. Et t'inquiète, en tant qu'infertile, je ne suis pas le moins du monde insultée par tes propos ;)


    Cathy

    RépondreEffacer
  4. Merci pour ce généreux billet.
    Bon, je ne suis pas infertile, j'avoue. Mais je pense qu'on peut se sentir "X état" selon notre vécu et que les gens ne comprennent pas toujours...
    Moi, je garde en moi mes deux fausses couches. C'est bien peu comparé à certaines, mais c'est en moi et j'ai beaucoup d'empathie - je crois- pour celles qui passent par là...
    Je suis en couple aussi, mais je me sens toujours monoparentale. Je me sentirai toujours ainsi, même si je suis épaulée.
    Enfin bref, merci pour ce billet...

    RépondreEffacer
  5. voilà , j'ai tout lu , depui le debut!!que d'emotions!!!
    je vais pensé à toi tout le week end!!!peut etre et tu en train d'accoucher à l'heure qu'il est!!
    hate de lire la suite!
    LOULOUTE/
    http://nouvellezaventur.canalblog.com/

    RépondreEffacer
  6. Ton texte est criant de vérité! Les médecins m'avaient toujours prévus un long chemin couverts d'embuches pour devenir maman. Finalement, j'ai déjoué les statistiques et j'ai eu mon fils très rapidement. À mes yeux, mon fils est un miracle et je ne prends pas pour acquis que ça va aller aussi bien pour bb#2 loin de là. Je repars vers le chemin de la conception avec les mêmes craintes que la première fois. Je n'aurais jamais connu le plaisir d'essayer de faire des enfants insoucieusement! Je suis infertile et le restera toute ma vie peut importe ce que les gens diront.
    Mapi

    RépondreEffacer
  7. Merci pour ce texte touchant.

    Je suis du côté sombre de la côture et je suis heureuse de lire des gens comme toi. Tu ne me choque aucunement, mais tu me donne le courage de continuer à me battre pour avoir mon petit bonheur à moi.

    Sabrina

    RépondreEffacer
  8. Merci Alhaya! Et bonne chance à toi! Je te souhaite la même chance que j'ai eue.

    RépondreEffacer