14 septembre 2007

Le droit à la reconnaissance

Depuis deux jours, un débat est lancé, au centre duquel on retrouve la fécondation in vitro et autres techniques de procréation médicalement assistée. Débat mis en route par l'émission Ça pourrait nous arriver, diffusée à TVA mercredi soir. Bien entendu, j'ai regardé cette émission avec beaucoup d'intérêt. Je l'attendais avec, je dois l'avouer, plusieurs appréhensions. J'avais peur qu'encore une fois, on ne voit qu'un côté de la médaille, ou qu'on nous montre que des cas extrêmes. De plus, la présence de deux vedettes (ici Céline Dion et Julie Snyder) me faisait craindre que la FIV soit encore associée aux gens riches. J'étais aussi déçue qu'encore une fois il ne soit question que de FIV. Bien qu'importante, c'est une technique parmis tant d'autres et c'est souvent celle gardée en dernier rcours, quand toutes les autres ne fonctionnent pas. Je trouvais donc dommage qu'on laisse encore dans l'ombre tous les couples infertiles qui n'iront pas en FIV, mais qui se battent malgré tout pendant des années pour réaliser leur rêve. Oui, les coûts sont moindres, mais le fardeau financier est là quand même (prenons l'exemple d'un cycle comme j'ai fait, avec injections, rajoutons-y une insémination et nous voilà avec une facture de plus de 1000$).

Je dois admettre que j'ai été agréablement surprise par l'émission. J'étais contente qu'enfin on parle d'infertilité sans mettre de gants blancs, sans donner l'impression que ça fonctionne à tout coup et surtout, avec de vrais couples vulnérables et sincères. Bien que j'aurais préféré voir plus de couples "monsieur-madame tout le monde", je saisis l'impact que peuvent avoir les témoignages (très touchants d'ailleurs) des deux vedettes. Au Québec, ça prend souvent des gens connus pour faire avancer une cause. Alors si c'est ce qu'il faut, je trouve que les deux femmes choisies ont très bien raconté leur histoire et je suis persuadée qu'elles ont pu toucher bien des gens qui n'y connaissent rien en PMA et qui ne se sentaient pas concernés lorsqu'il s'agissait de purs inconnus.

Bref, je crois qu'il était temps qu'une telle émission se fasse. Oui, je suis un peu déçue qu'on ait à peine parlé des autres traitements de fertilité, mais je peux comprendre qu'en utilisant le plus gros traitement, on a tenté de frapper plus fort.

Hier, j'ai regardé Richard Martineau et François Paradis discuter des traitements de fertilité et du fait qu'ils ne soient pas couverts par l'assurance maladie. C'est bien certain que je suis pour le fait que ce soit couvert. C'est bien certain aussi que j'ai été outrée par les mots très mal choisis de M. Couillard. Malgré tout, je suis mal à l'aise devant le débat qui fait rage depuis deux jours, car je crois qu'il ne va pas du tout dans la bonne direction. On s'obstine à savoir si l'infertilité est une pathologie, alors que l'Ordre des gynécologues et obstétriciens l'a reconnue comme étant une maladie depuis des années. Et puis, si le système de santé se limitait aux pathologies, personne ne se ferait vasectomiser ou ligaturer. Dites-moi quelle pathologie, quelle maladie la vasectomie soigne-t-elle? Je ne mets pas en doute l'importance de cette procédure dans le panier de la RAMQ, je mets seulement en doute les excuses du ministre.

Puisqu'il était question aussi du fait que les avortements, ligatures des trompes, vasectomies et vasovasectomies sont couverts à 100% par la RAMQ, mais pas les traitements de fertilité, on a eu tendance à centre le débat là-dessus. Plusieurs suggéraient de ne plus payer pour l'avortement, la ligature et/ou la vasectomie pour permettre de payer pour la PMA. Je trouve vraiment désolant qu'on pense que ce soit la bonne solution. L'idée ne devrait pas être de ne plus payer pour un pour pouvoir payer pour l'autre, mais plutôt que si on paye pour un, on devrait aussi payer pour l'autre. L'avortement a déjà eu son procès, le débat a déjà été fait, les batailles nombreuses. Le droit à l'avortement a été gagné et il ne devrait être question de l'enlever pour donner le droit de se procréer. Soyons clair, je suis pour l'aide du gouvernement dans le domaine de la fertilité. Je suis seulement contre le fait qu'on pense que la solution se résume à enlever les droits aux uns pour en donner aux autres. Idéalement, tous devraient être égaux.

Selon les dires de M. Couillard, se reproduire n'est pas un droit fondamental. À l'entendre parler, ce n'est qu'un désir, un luxe. C'est bizarre. J'avais toujours eu l'impression que le but premier de l'humanité était de perpétuer sa race. Sans la reproduction, c'est assez difficile. Mais, là où le manque de logique est flagrant, c'est encore par rapport à l'avortement. Parce qu'il fait référence au droit de la femme d'être responsable de sa reproduction. Donc, lorsqu'il est question d'avortement et de contraception, c'est un droit. Mais quand il s'agit d'y aller dans l'autre sens, ce n'est plus un droit. Bref, vous avez le droit de ne pas vouloir d'enfant et on va vous aider, mais si vous en voulez, débrouillez-vous. Je ne suis pas contre l'avortement couvert, je suis contre le manque de suite dans les idées du gouvernement de payer pour un sans payer pour l'autre.

Si on disait à une mère droguée qu'elle n'a pas le droit d'avoir d'enfant, on clâmerait haut et fort qu'on brime ses droits. Encore une fois, ça marche dans un sens, mais pas dans l'autre. Totalement illogique.

Je suis consciente que couvrir pour tous les traitements de fertilité soulève des questions éthiques et surtout, que ça implique des coûts immenses. Je suis donc consciente que la situation de la France, utilisée en exemple dans le documentaire, où le gouvernement couvre jusqu'à 4 FIV (et 6 inséminations), serait plutôt utopique. Mais un juste milieu serait déjà un bon départ. Une certaine reconnaissance serait la moindre des choses. Couvrir pour les médicaments "de base" comme le Clomid et le Serophene, couvrir les traitements moins gros que la FIV, mais tout aussi importants, ce serait déjà un bon début. Oui, il y a un crédit d'impôts de 30%, mais ce n'est pas de l'argent en poche et ça ne paie pas les prêts souvent nécessaires pour se rendre en FIV.

Le ministre Couillard a même parlé duf ait que la FIV amenait des coûts énormes compte tenu qu'il en résulte plus de grossesses multiples et de naissances prématurées (sujet discuté à Enjeux, il y a quelques mois). Pourquoi en faire la promotion, alors? Il n'a rien compris. Si les couples décident souvent de faire transférer cinq ou six embryons, c'est qu'ils n'ont qu'une seule chance. Ils mettent, littéralement, tous leurs oeufs dans le même panier. Ils n'ont qu'une chance, à 10 000$, aussi bien en transférer le plus possible pour augmenter les chances qu'un seul s'implante. Si la FIV était prise en charge par le gouvernement, le nombre d'embryons transférés pourrait (et devrait) être limité, sans que les couples sentent la pression de n'avoir qu'une seule chance. Bref, on diminuerait les grossesses multiples et les naissances prématurées, donc les coûts. Une chaîne facile à faire sur papier, mais qui semble trop compliquée à faire en bureaucratie.

On a une très mauvaise perception des couples infertiles ici. Combien de fois ai-je entendu (ou lu) qu'ils "avaient juste à faire des enfants avant" ou que c'est "probablement parce qu'il y a une raison et qu'ils devraient s'y faire et ne pas insister" ou encore "il y a plein d'enfats dans le monde, ils ont juste à adopter." Premièrement, j'ai commencé mes traitements de fertilité à 26 ans, un âge encore considéré fertile. Et même si je les avais commencés à 18 ans, j'aurais eu les mêmes problèmes, puisque j'ai toujours eu les OPK. Deuxièmement, dire que les couples infertiles le sont pour une raison, c'est comme de dire qu'ils ne méritent pas d'avoir des enfants alors que tant d'autres parents en ont et ne devraient jamais en avoir. C'est un manque immense de respect de dire à des gens atteints d'une maladie dont ils n'ont aucune responsabilité qu'ils le méritent. C'est ne pas connaître la douleur et l'attente insupportable. C'est ne jamais avoir été dans une situation hors de notre contrôle. C'est ne pas comprendre que la vie ne fonctionne pas souvent au mérite. Et troisièmement, si on disait à un couple fertile de laisser tomber son rêve d'avoir des enfants biologiques parce qu'il y a déjà plein d'orphelins dans le monde, ils seraient probablement aussi insultés que nous. Pourquoi les infertiles devraient-ils porter le fardeau de sauver les enfants abondonnés du monde? Oui, l'adoption est admirable et je sais que beaucoup de couples, infertiles et fertiles, y trouvent les enfants qu'ils attendaient depuis toujours. Je tiens seulement à souligner que c'est loin d'être une solution facile et que c'est loin de pouvoir, en une seule phrase, effacer la douler de l'infertilité et remplir le vide que le rêve d'un enfant biologique laisse chez bien des couples.

Je n'ai pas eu recours à la FIV. Si nous avions eu à nous y rendre, nous aurions probablement dû abandonner notre rêve, parce que nous n'avions pas les moyens. Par contre, j'ai eu recours à divers traitements de fertilité grâce auxquels j'ai eu Tithom et j'attends Tipépin. Je suis infertile, je le serai toujours. J'ai été marquée au fer rouge par cette bataille et ça me rend sensible à ce que les autres couples vivent. Je nous trouve excessivement chanceux d'avoir pu avoir des enfants relativement facilement (si on compare avec d'autres couples infertiles). À chaque jour, quand je regarde dans les yeux bleus de mon fils en santé, les mêmes yeux bleus que son père, je me sens choyée et je suis éternellement reconnaissante d'avoir eu la chance de pouvoir me permettre de faire les traitements. J'ai regardé le documentaire les larmes aux yeux, la gorge nouée, une main sur mon ventre et l'autre dans la main de Hom. C'est dommage qu'il faille souvent passer par là pour comprendre tout ce que ça implique. C'est dommage qu'on ne puisse discuter calmement, sans pointer du doigt, sans essayer de faire sentir les uns ou les autres comme égoïstes et ingrats. Je n'en veux pas aux fertiles de l'avoir facile. Je n'en veux pas non-plus à toutes ces femmes qui prennent la décision difficile de mettre terme à une grossesse non désirée. Je n'en veux pas aux gens qui esaient de comprendre, mais qui sont maladroits et blessants sans le savoir. Par contre, j'en veux à la vie d'être injuste et de ne pas fonctionner au mérite, quand il y a tant de couples qui feraient des parents extraordinaires et qui ne le seront jamais.

Un débat est lancé. Il faut en parler, il faut briser les tabous, les préjugés. Il faut donner une reconnaissance aux couples infertiles. Il faut prendre les choses en main. Il faut agir. Il faut que le gouvernement s'assume et se rende compte qu'il ne peut pas payer pour certaines choses sans payer pour les autres. Il faut encourager la famille et soutenir ces gens de couer qui vivent une épreuve difficile et qui ne souhaitent qu'une chose: être comme les autres et avoir des enfants à aimer.

4 commentaires:

  1. On a eu exactement la même réaction face à Couillard.
    Tu as très bien su trouver les mots pour dépeintre la situation et surtout le manque de logique.

    Ca me prends tellement aux trips que j'en pleure encore. Je ne vois pas le jour ou les infertiles seront compris du reste du monde...

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  2. Cette émission nous a viré à l'envers mon chum et moi. J'ai versé quelques larmes. Nous avons compris la chance que nous avons eu. Je suis contente que le débat ce fasse, ça ne peut que faire avancer les choses...

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  3. Quand je vois la difficulté que j'ai à accepter ces traitements, et la façon dont on nous regarde ou considère, je pense régulièrement que j'ai quand même un chance immense de ne pas avoir à me préoccuper en plus de questions financières, parce que j'ai la chance d'habiter en France. Je ne peux même pas imaginer ce que ça doit faire, en plus de devoir renoncer à un peu de son confort et de sa dignité (je le ressens comme ça), de devoir aussi renoncer à sa voiture ou à un nouveau meuble pour pouvoir faire tout cela.
    Par contre je trouve qu'ici on tombe dans l'excès inverse : si tu dis que tu es infertile, il y aura quelqu'un pour te dire "ah oui mais heureusement maintenant il y a les FIV", comme si c'était d'une part facile et d'autre part miraculeux. Et si jamais tu n'es pas OK pour accepter ce type de parcours difficile malgré la "gratuité" apparente, c'est bien fait pour toi que tu n'aies pas d'enfant, vu que la FIV existe si tu la refuses ça devient de ta faute...
    Je croise très fort les doigts pour que ce soit mieux pris en charge chez vous comme ici.

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  4. @Mitzie: j'avoue que ça peut nuire à la reconnaissance, dans le sens où ça donne l'impression que la solution est facile, accessible à tous et surtout, garantie. On oublie les échecs, le long parcours qui précèdent la FIV... dommage.

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