8 mai 2005

La fête des mères

J'ai hésité longuement avant de posté ceci, car je sais que plusieurs mamans (ou futures-mamans) me lisent. Je ne veux pas insulter les mamans. Je ne veux rien enlever à tout ce qu'elles sont, font et donnent quotidiennement. Je sais que la fête des mères est là pour une bonne raison. Je sais que ça souligne le travail autrement ignoré de ces femmes extraordinaires. Je sais que c'est pour dire merci à ma mère, c'est pour dire je t'aime à ma grand-mère. Le problème est que je ne sens ni le besoin ni la sincérité de leur dire.

J'ai longtemps eu une mauvaise relation avec ma mère. Bon d'accord, depuis quelques années, c'est une relation potable. Je ne suis pas proche d'elle, mais je lui parle quand même souvent. Ma grand-mère ne m'a pas élevée, mais a quand même trouvé le moyen de me critiquer tout au long de ma vie (et je dois préciser ici que ça ne s'arrêtait pas à moi, elle critique tout le monde avec froideur et envie). Elle s'est par contre améliorée depuis quelques mois et ne juge plus aussi rapidement qu'auparavant. Tout ça pour dire que je ne me sens pas du tout à l'aise et acceptée COMME JE SUIS quand je suis avec ma mère et/ou ma grand-mère. Je dois être quelqu'un d'autre, quelqu'un de mieux, si je veux leur amour inconditionnel. J'ai arrêté il y a quelques années de le rechercher, j'en ai assez de faire semblant d'être ce que je ne suis pas.

Je les reçois tous pour souper ce soir. Je sais déjà que ma mère va faire plusieurs commentaires sur ma façon de faire les choses ("mais non, il fallait mettre du compost dans ton jardin!" "tu n'as pas frotté ton bain?" "pis?? pas encore enceinte??!"). Elle ne peut s'en empêcher. Si je dramatisais un peu, je pourrais dire que je ne fais jamais rien de correct selon elle. Mais je sais, en mon for intérieur, que ce n'est pas le cas. Je sais que je fais plein de choses correctement et que je n'ai pas besoin, à mon âge, de son approbation et de sa fierté.

Je ne sais pas si la fête des mères est pour célébrer l'ensemble de son œuvre, la mère qu'elle a été dans ma jeunesse ou celle qu'elle est maintenant. Je ne peux pas dire qu'elle a été une mauvaise mère. Elle a fait beaucoup d'erreurs, oui, elle m'a souvent traîtée de façon méchante, elle s'est trop souvent fait un malin plaisir à relever les fautes que je commettais, toutes les choses qu'elle aurait mieux faites. Mais une mauvaise mère? Non. Je ne crois pas. Bien sûr, comment puis-je savoir, après tout, je ne sais pas ce que c'est, être une mère. Mais elle a quand même toujours été là aux moments importants (spectacles de danse, graduations, etc.). Elle a bien pris soin de nous, a été à la maison jusqu'à ce qu'on soit tous entrés au secondaire. Elle a fait de son mieux, même si dans les yeux d'une ado, ça ne vallait pas grand chose. Je ne lui enlève rien de ce qu'elle a fait de bien, même si souvent, je me souviens plus de ce qu'elle a raté. Ça doit me venir d'elle.

Je déteste la fête des mères, encore un peu plus à chaque année. Pendant des semaines, nous sommes bombardés d'images sirupeuse de maternité, de bébés, de phrases pré-mâchées Hallmark et de glorification de la mère. Pendant des semaines on dit aux
milliers de femmes infertiles se battent pour réaliser leur rêve qu'elles ne font pas partie de la clique, qu'elles doivent encore une fois passer leur tour.

Je ne sais pas ce que je dois célébrer ce soir. Est-ce la relation plate que j'entretiens avec ma mère? Est-ce celle avec ma grand-mère? Est-ce leur sens de la critique injuste et inutile dont j'ai hérité? Est-ce le fait que je ne suis pas une mère? Est-ce le fait que je crois de plus en plus ne jamais devenir une mère? Est-ce le fait que de façon de plus en plus fréquente, je suis rappelée par différents éléments que je ne sais pas ce que c'est? Que je m'éloigne de mes amies qui sont mères parce que je ne sais pas de quoi leur parler? Que je vois un rappel de mon infertilité dans toutes les fêtes, dans toutes les occasions? Je n'ai vraiment pas le goût de célébrer ce soir. Je n'ai pas le goût de souligner la grandeur et la beauté de la maternité.

À quand la fête des infertiles?

2 commentaires:

  1. je me permet... de venir t'écrire mes encouragements. De saluer ta sincérité, tout en voulant rester objective, tu écris comme je pense. Non je ne suis pas dans ta situation, je ne suis qu'une jeune femme. Et cependant je ne peux qu'abdiquer à tes mots.. J'ai des images qui m'appparaissent lorsque je lie tes "déboires", ma cousine s'est retrouvée dans ta position...

    Tu invites les gens à venir t'écrire, si tu me le permet je reviendrais volontier te saluer et signaler que tu n'est pas seule, la jeune fille que je suis est touchée et profondément émue... Non je ne joue par la carte pitié, mais si ma présence peut "le faire" alors j'aimerais beaucoup correspondre avec toi !!!!!

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  2. Tes mots font du bien. Je ne suis pas seule. Bien sûr c'est culpabilisant de penser ainsi, mais à la longue, il faut bien l'admettre, le mythe de la mère Hallmark crée un tabou sur toutes les lèvres. Tu as tout à fait raison de te sentir comme cà, tu n'es pas seule. Il faudrait un site complet sur le sujet! Un reportage cette semaine à la télé intitulé "en mal de mère" met enfin des mots sur ces silences que nous n'osons briser. Est-ce le début de la fin des masques? Comment être soi-même devant sa mère? Comment dénoncer ce qui fait mal? Au moins prendre conscience de cà, c'est un début...ta réflexion est tout à fait juste. Et si un jour tu deviens mère, je te souhaite de briser ce cercle vicieux à grands coups d'amour! Tous mes voeux! Crystal

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